Isabelle Saporta : « J’ai 2000 idées à la minute. Je ne demande qu’une chose c’est qu’on me les vole »

Attendu chez les verts, Isabelle Saporta rentre en campagne pour la mairie de Paris avec fracas, aux côtés de Gaspard Gantzer sur la liste « Parisien, Parisienne ». L’écologiste espère tourner la page et faire vivre ses idées sur le Périphérique, le tourisme ou la cantine, sans être prisonnière d’un parti…ou d’une relation conjugale.

Antoine Beau
4 min readApr 13, 2020

7 octobre, première interview politique pour les cours de Technique de base rédactionnel au CFJ.

Isabelle Saporta par Philip Conrad, creative commons

Vous étiez journaliste, auteure et éditrice avant de vous lancer en politique. En mai dernier, vous quittez votre poste de chroniqueuse à RTL après la révélation publique de votre liaison avec l’écologiste Yannick Jadot. Finalement, c’est avec Gaspard Gantzer que vous découvrez la vie en campagne. Comment s’organise votre quotidien ?

Je travaille comme une dingue. Comme je ne viens pas du sérail, je dois rencontrer tous les acteurs et les spécialistes du terrain. Sur tous les sujets : pistes cyclables, voies navigables, RATP, cantines, etc. J’essaye de voir ce qu’il faut améliorer, ce qu’on pourrait faire et ce qu’on ne peut pas faire. C’est un travail d’humilité.

Il faudrait sans doute que je communique plus, mais cela ne m’intéresse pas. Je préfère travailler les sujets de fond. La campagne municipale à Paris consiste beaucoup à savoir qui a eu la bonne idée en premier. J’ai 2000 idées à la minute. Je ne demande qu’une chose c’est qu’on me les vole. Je veux qu’il y ait une chance qu’elles soient mises en œuvre. Le véritable enjeu est là. De toute façon je serais toujours éditrice chez Fayard, je serais toujours auteure. Donc j’ai du travail. Je ne cherche pas un poste.

Vous avez écrit des enquêtes sur l’agroalimentaire et les pesticides. C’est un moyen d’action écologique. Aujourd’hui, il en existe énormément. Désobéissance civile, actions citoyennes ou individuelles. Est-ce que la politique, c’est là où il faut être ? D’autant plus que les verts sont crédités de 12% d’intention de vote. Gantzer ne dépasse pas 2%…

J’ai apporté mes enquêtes aux personnalités politiques. Elles ne s’en saisissent pas. J’ai voté contre le Front National et j’ai voté pour le moins pire. Ce n’est pas satisfaisant. On peut considérer que la vie est ailleurs, devenir collapsologue et vivre dans une yourte. C’est louable.

Je considère qu’il y a encore des choses à tenter. Il faut essayer même si nous ne sommes pas sûr de tout réussir. Le budget de Paris c’est dix milliards d’euros dont on ne peut pas se passer. On peut faire beaucoup grâce à cette somme.

Je veux avoir les mains libres et travailler comme je l’entends. Je veux pouvoir taper du poing sur la table. Gantzer me garantit de pouvoir mener l’aventure comme je le veux sans être prisonnier d’un parti. C’est une chance.

Qu’est-ce qui vous fâche le plus dans le bilan d’Hidalgo ?

Il faut impérativement revoir la politique des cantines. Le 18ième est un des quartiers les plus populaires de Paris. C’est aussi là où on mange le plus mal, pour le plus cher. Parce qu’on a fait une délégation de service public à Sodexo.

La maire du 5ième travaille de son côté avec un réseau d’agriculteurs dans le Grand Paris. Il faut s’en inspirer et s’organiser pour faire des achats groupés aux paysans. Pour que nos enfants mangent bien. Il y a un vrai travail de fond pour réduire la fracture alimentaire. Ce n’est pas compliqué à mettre en place. Il faut juste le faire. C’est juste une volonté politique.

Un de vos thème favoris, c’est la circulation à Paris. Gantzer a parlé de végétaliser le Périphérique. Il s’agit de ne plus du tout l’utiliser ?

Le Périphérique est une frontière entre Paris et le Grand Paris. C’est hallucinant, certains parisiens vivent cela comme une frontière qui étrangle la capitale. J’ai rencontré pas mal d’architectes pour repenser cette voie de circulation. Nous proposons de végétaliser une partie, et de construire des immeubles. Je vous rassure, rien ne se fera sans l’avis des communes du Grand Paris.

Vous utilisez souvent le mot « Disneylandisation » pour parler du tourisme à Paris. Qu’est-ce que ça veut dire ? S’attaquer au tourisme, cela ne risque pas de faire perdre de l’argent à la ville ?

Pour acheter un appartement de 100m2 à Paris, il faut être capable de gagner 15 000 euros net par mois et de s’endetter pour 30 ans. On a des quartiers qui se vident de toutes leurs classes populaires. Il y a 1400 élèves en moins cette année dans les écoles. Nous sommes en train de muséifier Paris. Des quartiers entiers ne sont plus que des Airbnb géants. Et on a ces cars de tourismes qui eux restent des heures entières à tourner et à polluer. C’est ça la disneylandisation.

Je ne lutte pas contre les touristes, mais il faut organiser une autre façon de visiter Paris. La ville ne se sert pas de la Seine. Il faut repenser le fluviale pour faire de la navigation touristique et du transport. Les parisiens seront très content de prendre le « vaporetto » au lieu du métro.

--

--

Antoine Beau

Journaliste en construction. Ce medium fait foi de l’avancé des travaux. Passé par Le Dauphiné, Place Gre’net. Aime le terrain et la vulgarisation.